LE VAMPIRE DE L'ABBAYE
DE MELROSE

 
 
 
 
 
 
Avant Propos :
   Historien et chroniqueur, William of Newburgh (1136 - 1208?), parle ici d'un vampire comme il est définit contemporainement :

 
 

   Il y a quelques années mourut l'aumônier d'une certaine dame de haut rang, et il fut inhumé dans ce majestueux monastère qu'est l'abbaye de Melrose. Malheureusement ce prêtre ne respectait guère les voeux sacrés de son saint ordre et il passait ses jours presque à la façon d'un laïc... Et ce qui se passa après sa mort montre de façon tout à fait évidente qu'il était généralement tenu en piètre estime et que sa culpabilité était très condamnable et même détestable. Pendant plusieurs nuits, il sortit de sa tombe et tenta de pénétrer par effraction dans le cloître, mais il échoua et ne put molester ni alarmer qui que ce soit si grands étaient les mériteset la sainteté des bons moines qui habitaient là. Après quoi, il décida d'aller plus loin et il apparut soudain dans la chambre à coucher, au chevet même de la dame dont il avait été l'aumônier, poussant des cris extrêmement perçants et des gémissements à fendre l'âme. Cela s'étant reproduit plus d'une fois, elle fut presque folle de frayeur, redoutant qu'un terrible danger pût lui arriver, et convoquant un frère supérieur du monastère, elle le supplia les larmes aux yeux de faire dire spécialement des prières pour elle puisqu'elle était tourmentée de la façon la plus extraordinaire et la plus inhabituelle. Quand il entendit son récit, le moine calma son anxiété... et promit de trouver sous peu un remède. Rentré au monastère, il divulga son plan à un vieux moin avisé et ils décidèrent, en compagnie, de deux jeunes gens robustes et courageux, de monter la garde dans la partie du cimetière où était enterré le malheureux prêtre... Minuit avait déjà sonné et il n'y avait pas tracce du monstre. Trois des compagnons se retirèrent donc un moment pour se réchauffer près du feu dans un bâtiment non loin de là... mais le moine qui leur avait demandé de se joindre à lui décida de continuer à monter la garde. Tandis qu'il restait seul sur les lieux, le Diable, pensant trouver une belle occasion de miner le courage et la ténacité de cet homme pieux, fit lever de sa tombe celui qui lui servait d'instrument... Quand le moine vit le monstre tout près de lui, il fut saisi d'horreur, mais il retrouva aussitôt son courage... Au moment où le monstre se ruait sur lui en poussant un affreux hurlement, il resta sur place et lui asséna un terrible coup de hache. Quand le mort reçut cette blessure, il poussa un terrible gémissement et, faisant volte-face, il s'enfuit aussi vite qu'il était apparu. Mais le courageux moine le poursuivit et le contraignit à se réfugier dans sa tombe. Celle-ci sembla s'ouvrir aussitôt d'elle-même pour le laisser entrer et elle se referma rapidement sur lui...

      Quand ils (les trois autres moines) entendirent toute l'histoire, ils décidèrent dès l'aube de déterrer ce maudit cadavre... Quand ils eurent enlevé la terre et mis au jour le cadavre, il le trouvèrent marqué d'une terrible blessure, tandis que le sang noir qui s'en était écoulé avait apparemment inondé toute la tombe. La charogne fut transportée à un endroit éloigné du monastère, où elle fut brûlée sur un grand bûcher et les cendres en furent éparpillées aux quatre vents.
 
 
 
William of Newburgh
Historia Rerum Anglicarum,
chap. XXIV (1196)