VERSION LITTERAIRE RUSSE
LE VOIEVODE DRACULA
Texte original de 1486 (traduit du russe)
Il était [une fois] au pays de Munténie
un voïévode chrétien de foi grecque, dont le nom en roumain
était Dracula, ce qui veut dire dans notre langue "le diable".
Il était si méchant que sa vie fut à l'image de son
nom.
1. Un jour,vinrent chez lui des aprocrisiaires du [Grand] turc et lorsqu'ils
eurent été introduits chez lui, ils s'inclinèrent selon
leur coutume mais ne se découvrirent pas. Alors il leur demanda :
- Pourquoi agissez-vous ainsi ? Vous êtes devant un grand souverain
et vous m'outragez de la sorte?
A quoi eux ils répondirent :
- Telle est la coutume de notre souverain et de notre pays. Et Dracula leur
dit :
- Eh bien, je vais vous raffermir dans votre coutume. Tenez-vous bien!
Et il ordonna de clouer leurs turbans sur leur tête à l'aide
d'un petit clou de fer. Puis, il les laissa partir en leur disant :
- Allez raconter cela à votre souverain car s'il est habitué
d'accepter une telle honte de votre part, nous, nous ne sommes pas habitué
à cela. Qu'il n'impose pas ses coutumes à d'autres souverains
qui n'en veulent point mais qu'il les garde pour lui.
2. Et l'Empereur Turc fut très courroucé dans son for intérieur
à cause de cela et il se mit en campagne contre Dracula et le rejoignit
avec des forces importantes. Mais lui il rassembla tous les soldats qu'il
avait et attaqua les Turcs pendant la nuit, dont il tua un grand nombre.
Mais il ne put vaincre une si grande armée avec si peu d'hommes et
se retira.
Ceux qui revinrent du combat avec lui, il les examina personnellement. Quiconque
était blessé par devant, il l'honora et l'arma chevalier.
Mais qui était blessé dans le dos, il ordonna de l'empaler
par le fondement, en lui disant : "tu n'es pas un homme, mais une femme."
Et lorsqu'il marcha contre les Turcs, il s'adressa en ces termes à
toute son armée :
- "Que celui qui pense à la mort ne vienne pas avec moi, mais
qu'il reste ici."
Et le sultan, en entendant cela, s'en retourna à grande honte ; il
perdit une immense armée et il n'osa pas aller en guerre contre Dracula.
3. Un jour, le sultan lui dépêcha un apocrisiaire afin que
celui-ci payât le tribut. Dracula honora fort cet apocrisiaire et,
lui montrant tout ce qu'il avait, lui dit :
- "Non seulement je désire payer à l'empereur le tribut,
mais encore je veux me mettre à son service avec toute mon armée
et tous mes trésors. Je le servirai selon ses ordres. Et toi, fais-le
savoir à ton empereur de façon que, lorsque je viendrai chez
lui, il donne des ordres dans tous son pays pour qu'aucun mal ne nous soit
fait à moi et à mes hommes. Quant à moi, je me rendrai
auprès de l'empereur peu après ton départ et je lui
apporterai le tribut et je viendrai en personne."
Lorsqu'il apprit par son ambassadeur que Dracula souhaitait se mettre à
son service, l'empereur honora cet homme, lui fit de nombreux présents
et se rejouit fort parce que, à l'époque, il était
en guerre contre les empereurs et les pays de l'Orient. Et il envoya sur-le-champ
à toutes ses cités et dans tous le pays, message, non seulement
de ne point faire de mal, mais au contraire, d'honorer grandement Dracula
quand il arriverait. Celui-ci se mit en route avec toute son armée
et avec lui se trouvaient les officiers de l'empereur lesquels l'honoraient
grandement. Et il voyagea dans le pays turc durant cinq jours environs,
puis soudain il fit demi-tour et commença à piller les villes
et les villages. Et il captura une grande multitude qu'il tailla en pièce
; des Turcs, certains il empala, d'autres il les coupa en deux et ensuite
les brûla. Il dévasta tout le pays et n'y laissa personne en
vie, ni même les nourrissons. Mais d'autres, c'est-à-dire ceux
qui étaient chrétiens, il les déplaça et installa
dans son pays. Et après avoir pris beaucoup de butin il retourna
chez lui ; et après avoir honoré les officiers, il les relâcha
en leur disant :
- "Allez dire à votre Empereur ce que vous avez vu. Je l'ai
servi autant que j'ai pu. Si mon service lui a été agréable,
je vais encore le servir de toutes mes forces." Et l'Empereur ne put
rien lui faire, mais vaincu honteusement.
4. (Dracula) haïssait tant le mal dans son pays que quiconque commettait
un méfait, fût-ce vol, brigandage, mensonge ou injustice, n'avait
aucune chance de rester en vie. Nul, fût-il grand bojarin, ou prêtre,
ou moine ou homme du commun, eût-il de grandes richesses, ne pouvait
racheter sa vie. La crainte qu'il inspirait était telle, qu'il possédait
une source et une fontaine où passaient beaucoup de voyageurs venus
de bien des contrées ; et beaucoup de gens venaient boire à
la fontaine et à la source, car l'eau y était fraîche
et avait bon goût. Dracula avait placé près de cette
fontaine, sise en un lieu désert, une grande coupe en or merveilleusement
travaillée ; et celui qui voulait boire devait utiliser cette coupe
et le remettre là où il l'avait trouvée. Et tant qu'elle
y exista, nul n'osa la voler.
5. Un jour (Dracula) fit crier par tout son pays que tous ceux qui étaient
vieux et malades, souffrant d'infirmités ou miséreux vinssent
à lui. Et il s'assembla une immense foule de pauvres et de vagabonds
qui attendaient de lui une grande charité. Et il ordonna de les réunir
tous dans une grande maison préparée à dessein et donna
ordre qu'on leur servît à boire et à manger à
volonté. Alors, après avoir mangé, ils commencèrent
à s'amuser. Puis Dracula en personne vint leur rendre visite et leur
dit :
- "Que vous faut-il d'autre?" Et eux tous à l'unisson :
- "Seigneur, seul Dieu et ta grandeur qui le savent, comme Dieu te
le fera entendre."
Il leur dit alors :
- "Voulez-vous que je fasse en sorte que vous n'ayez plus de soucis,
et que rien ne vous manque en ce monde ?"
Et tous, s'attendant à quelque grande libéralité, répondirent
:
- "Nous le voulons, Seigneur !"
Sur ce, il ordonna de verrouiller la maison et y fit mettre le feu et ils
périrent tous brûlés. Pendant ce temps, il disait à
ses bojare :
- "Sachez que j'ai fait cela d'abord pour qu'ils ne soient plus un
fardeau pour les autres et que personne ne soit plus pauvre dans mon pays,
et pour que tous soient riches. Deuxièmement, je les ai délivrés
afin qu'aucun d'eux ne souffre plus ce monde de pauvreté ou de n'importe
quelle infirmité."
6. Il vint un jour du pays de Hongrie, deux moines catholiques recueillir
des aumônes. (Dracula) ordonna qu'on les hébergeât séparément.
Et il invita chez lui l'un d'entre eux et lui montra, autour de la Cour,
une grande multitude d'hommes empalés ou roués et lui demanda
:
- "Ais-je bien agi ? Comment juges-tu ceux qui se trouvent sur ces
pieux ?"
L'autre répondit :
- "Non, seigneur, tu as mal agi, car tu punis sans merci. Il convient
à un maître de se
montrer miséricordieux, et tous ceux que tu as empalés sont
des martyrs."
Dracula fit alors venir le second religieux et lui posa la même question.
Le moine lui répondit :
- "Tu as été placé par Dieu comme souverain pour
punir ceux qui font le mal et récompenser ceux qui font le bien.
Et ceux-ci ont fait le mal et ont reçu ce qu'ils meritaient."
Dracula rappela alors le premier moine et lui dit :
- "Pourquoi as-tu quitté ton monastère et ta cellule
et vas-tu par les cours des grands souverains étant ignorant ? Tu
viens de me dire que ces gens étaient des martyrs ; je veux également
faire de toi un martyr afin que tu sois martyr à leur côtés."
Et il ordonna de l'empaler par le fondement. Et il ordonna aussi qu'on remît
50 ducats d'or au second à qui il dit :
- "Tu es un homme sage."
Et il ordonna qu'on le reconduisît en voiture avec honneur jusqu'en
Hongrie.
7. Un jour, un marchand étranger de Hongrie, arriva dans la cité
de Dracula. Selon ses ordres, il laissa son chariot dans la rue devant la
maison abandonnant ses marchandises dans le véhicule pendant qu'il
passait la nuit dans la maison. Quelqu'un lui ayant volé 160 ducats
d'or du chariot, le marchand se présenta à Dracula pour lui
faire part de la perte de son or. Dracula lui dit :
- "Tu peux t'en aller en paix. Cette nuit, ton or te sera rendu."
Et il ordonna qu'on recherchât le voleur dans toute la ville, en disant
:
- "Si on ne retrouve pas le voleur, j'exterminerai la ville entière."
Et il ordonna de faire mettre dans le chariot durant la nuit, de l'or lui
appartenant, mais il y ajouta une pièce. Le marchand, à son
réveil, retrouva l'or et, en le comptant deux fois, trouva une pièce
de plus. Il alla chez Dracula et lui dit :
- "Sire, j'ai trouvé l'or, mais, voilà, il y a une pièce
de plus qui ne m'appartient pas."
A ce moment on amena le voleur avec l'or dérobé. Et Dracula
s'adressa au marchand :
- "Va en paix ! Si tu ne m'avais pas parlé de cette pièce
d'or supplémentaire, j'étais prêt à
t'empaler en compagnie de ce voleur."
8. Si une femme mariée commettait un adultère, il (Dracula)
lui faisait couper les parties honteuses et écorcher vive et la mettait
dans les fers toute nue. Puis il ordonnait de suspendre la peau à
un poteau au beau milieu de la cité sur la place du marché.
On agissait de même à l'égard des filles qui ne gardaient
pas leur virginité et aussi des veuves (qui forniquaient). A certaines
il coupait le bout des seins, à d'autres il écorchait le sexe
puis y enfonçait un tisonnier chauffé au rouge, si profondément
qu'il ressortait par la bouche. Et elles restaient nues, attachées
au poteau, jusqu'à ce que leurs chairs et os se détachassent
ou servissent de pâture aux oiseaux.
9. Un jour où il voyageait, il vit sur un pauvre bougre une chemise
déchirée et en mauvais état. Il lui demanda :
- "As-tu femme ?"
L'autre de répondre :
- "Oui, Sire."
Alors Dracula lui dit :
- "Mène-moi chez toi que je la voie."
Et il vit qu'il avait là une épouse jeune et en bonne santé.
Lors, il dit au mari :
- "As-tu semé le lin ?"
L'autre répondit :
- "Oui, Sire, j'ai beaucoup de lin."
Et il lui montra beaucoup de lin. Et Dracula dit à sa femme :
- "Pourquoi te montres-tu paresseuse envers ton mari ? Son devoir est
de semer, de labourer
et de te nourir, tandis que le tien est de lui faire des vêtements
propres et beaux ;
seulement, tu ne veux même pas lui tisser une chemise, bien que tu
sois en pleine santé.
C'est toi la coupable et non lui. Si ton mari n'avait pas semé de
lin, alors ce serait lui le
fautif."
Et il ordonna qu'on lui coupât les mains et qu'on l'empalât.
10. Un jour (Dracula) festoyait à l'ombre des cadavres empalés
en grand nombre autour de sa table. C'est là parmi eux qu'il mangeait
et il y prenait plaisir. Il se trouvait là qu'un serviteur qui avait
posé les mets devant lui ne pouvait supporter davantage l'odeur des
cadavres et il se boucha le nez et détourna la tête.
Dracula lui demanda :
- "Pourquoi fais-tu cela ?"
Le serviteur répondit :
- "Sire, je ne peux plus endurer cette puanteur."
A quoi Dracula donna l'ordre de l'empaler sur-le-champ, en disant :
- "Il faut que tu demeures là-haut, afin que la puanteur ne
t'atteigne pas."
11. Une autre fois il reçut la visite d'un apocrisiaire du roi de
Hongrie Mathias. L'ambassadeur était un grand noble d'origine polonaise.
Dracula lui intima l'ordre de rester avec lui à table, au milieu
des cadavres, et, préparé devant eux, se trouvait un très
gros pal, haut et entièrement doré. Et Dracula demanda à
l'ambassadeur :
- "Dis-moi, pourquoi ais-je fait placer ce pieu ici ?"
Et l'ambassadeur, qui avait très peur, lui répondit :
- "Sire, il me semble qu'un grand aurait commis un crime à ton
égard et que tu désires lui
réserver une mort plus honorable qu'aux autres."
Et Dracula lui dit :
- "Tu as bien parlé. En effet, tu es l'ambassadeur royal d'un
grand souverain et j'ai fait faire
ce pal pour toi."
L'ambassadeur lui répondit :
- "Sire, si j'ai commis un crime qui mérite la mort, fais ce
que bon te semble, car tu es un
juge impartial et ce n'est point toi qui serais coupable de ma mort, mais
moi seul."
Dracula éclata de rire et lui dit :
- "Si tu ne m'avais pas répondu ainsi, en vérité
tu serais sur ce pieu."
Et il l'honora fort, lui fit beaucoup de présents et le laissa partir
en lui disant :
- "Tu peux vraiment être ambassadeur de grands souverains auprès
(d'autres) grands
souverains. Mais que d'autres n'osent point (le faire) avant d'avoir appris
à parler à de
grands souverains."
12. Dracula avait l'habitude suivante : à partir du moment qu'un
ambassadeur venait chez lui, envoyé par l'Empereur (=Sultan) ou par
le Roi (=de Hongrie) et qu'il n'était pas vêtu avec distinction
et s'il ne savait quoi répondre à ses questions tortueuses,
il l'empalait en lui disant :
- "Ce n'est pas moi le responsable de ta mort, mais ton souverain ou
toi-même. Ne dis point
de mal de moi. Si ton souverain, sachant que tu as peu de cervelle et que
tu es sans savoir,
t'a envoyé chez moi, un souverain très sage, alors c'est ton
seigneur qui t'a tué ; mais si
tu as osé y venir de toi même, sans t'être instruit alors
tu t'es tué toi-même."
Pour un tel apocrisiaire il faisait planter un pal haut entièrement
doré et il le fichait dessus. Et au souverain de cet ambassadeur
il écrivait entre autres choses ces paroles :
- "Ne plus envoyer en ambassade à un souverain sage un homme
à l'esprit faible et
ignorant."
13. (Une fois) des artisans lui firent des barils de fer. Il les remplit
d'or et les coula au fond d'une rivière ; puis il fit tuer ces artisans
afin que nul ne sût le crime qu'il avait commis, sauf le diable dont
il portait le nom.
14. Une fois, le roi de Hongrie Mathias partit en guerre contre lui. Dracula
vint à sa rencontre et ils se heurtèrent et s'affrontèrent
et Dracula fut fait prisonnier vivant, ayant été livré
par les siens par suite d'une révolte. Et Dracula fut amené
au roi qui le fit jeter en prison.
Et il demeura durant douze ans à Vysègrad sur le Danube, en
amont de Bude. Et en Munténie (le roi Mathias) installa un autre
prince.
15. Après la mort de ce voïévode, le Roi fit dire à
Dracula en prison que s'il voulait redevenir prince au pays de Munténie
comme auparavant, il devait embrasser la foi latine, sinon il mourrait en
prison.
Mais Dracula aima davantage les douceurs de ce monde passager que celles
de la vie éternelle et sans fin, et il abjura l'orthodoxie et renia
la vérité, il abandonna la lumière et accepta les ténèbres.
Hélas, il n'a pas pu endurer les misères temporaires de la
prison et il s'est préparé aux souffrances sans fin et il
a quitté notre foi orthodoxe et a accepté l'hérésie
latine.
Le roi non seulement lui donna le voïévodat du pays de Munténie,
mais encore sa propre soeur pour épouse. Il en eut deux fils et il
vécut encore peu de temps après, environ dix ans, et finit
ainsi dans cette hérésie.
16. On dit de lui que même en prison il ne renonça pas à
ses mauvaises habitudes. Il prenait des souris, achetait des oiseaux au
marché et les châtiait ainsi : certains, il les empalait, à
d'autres il coupait la tête, et en plumait d'autres qu'il laissait
ensuite aller. Et il apprit à coudre et ainsi il se nourrissait.
17. Lorsque le Roi le tira de prison, il le fit mener à Bude et lui
donna une maison à Pest, en face de Bude. Et avant que Dracula n'eût
été chez le roi, il arriva qu'un malfaiteur chercha refuge
dans son hôtel. Les poursuivants y entrèrent à leur
tour, commencèrent à le chercher et le trouvèrent.
Dracula sauta de la maison, tira son épée et coupa la tête
au sergent qui avait repris le malfaiteur, puis il libéra ce dernier.
Les autres s'enfuirent et coururent conter au bourgmestre ce qui venait
de se passer. Et le bourgmestre et ses échevins se rendirent chez
le roi pour se plaindre de Dracula. le Roi envoya chez Dracula s'enquérir
auprès de ce dernier :
- "Pourquoi as-tu commis ce méfait ?"
Mais Dracula répondit ainsi :
- "Je n'ai fait aucun mal, mais il s'est tué lui-même.
Ainsi périront tous ceux qui s'introduiront comme des voleurs dans
la demeure d'un grand souverain. Si le bourgmestre était venu à
moi et m'avait exposé (l'affaire) et si j'avais trouvè dans
ma maison le malfaiteur, je l'aurais livrè moi-même ou je lui
aurais fait grâce de la vie."
Lorsqu'on eût raconté cela au roi, ce dernier éclata
de rire et s'émerveilla de son courage.
18. La fin de Dracula arriva ainsi : tandis qu'il régnait au pays
de Munténie, les Turcs attaquèrent son pays et commencèrent
à le conquérir. Dracula les attaqua et les mit en fuite. Son
armée les tuait sans merci, et de joie Dracula monta sur une colline
afin de mieux voir comment ses gens massacraient les Turcs. Il s'éloigna
ainsi de son armée et ses proches le prenant pour un Turc, l'un d'entre
aux frappa d'un coup de lance. Mais lui, se voyant attaqué par les
siens, occit sur-le-champ de son épée cinq de ceux qui voulaient
l'abattre. Mais il fut transpercé par plusieurs lances et c'est ainsi
qu'il fut tué.
19. Le Roi emmena sa soeur avec les deux fils en Hongrie, à Bude
: l'un de ces fils vit encore dans la suite du fils du roi, tandis que l'autre,
qui se trouvait chez l'évêque d'Oradea, est mort en notre présence.
Le troisième fils, l'aîné, prénommé Michel,
je l'ai vu ici, à Bude. Il s'était enfui de chez l'empereur
Turc auprès du Roi. Dracula l'avait eu d'une jeune fille alors qu'il
n'était pas encore marié. Etienne de Moldavie, selon la volonté
du Roi, installa au pays de Munténie un fils de voïévode
nommé Vlad le Moine. Ce même Vlad fut dans sa jeunesse moine,
puis prêtre et par la suite abbé dans un monastère.
Ensuite il se défroqua, fut fait prince et se maria. Il épousa
la veuve d'un voïévode qui avait régné peu après
Dracula et qu'avait tué Etienne le Valaque. Ayant donc pris la femme
de ce voïévode, Vlad règne maintenant sur le pays de
Munténie, lui qui avait été moine et abbé.
L'an 6994 (=1486), le 13 février j'ai écrit la première
fois ; ensuite, l'an 6998 (=1490), le 28 janvier, j'ai copié une
seconde fois (ce texte) moi, le pécheur Efrosin.