
III
JOURNAL DE JONATHAN HARKER
(Suite)
Prisonnier ! Quand je compris cela, je crus devenir fou. En courant, je
montais et descendait les escaliers à plusieurs reprises, essayant
d'ouvrir chaque porte que je rencontrais, regardant anxieusement par toutes
les fenêtres devant lesquelles je passais. Mais bientôt le sentiment
de mon impuissance anéantit toute volonté en moi. Et quand
j'y songe, maintenant que quelques heures se sont écoulées,
je me dis que, vraiment, j'étais fou car, je m'en rendis compte,
je me débattais tel un rat dans une trappe. Une fois cependant que
je sus qu'il n'y avait, hélas ! rien à faire, je m'assis tranquillement
-calme, je crois, comme jamais encore je ne l'avais été de
ma vie -pour réfléchir à ma situation et chercher comment
je pourrais tout de même y remédie. A l'heure qu'il est, j'y
réfléchis toujours sans être parvenu à aucune
conclusion. Je suis certain d'une seule chose, c'est qu'il est absolument
inutile de faire part au comte de mes sentiments. Mieux que quiconque, il
sait que je suis prisonnier ici ; il l'a voulu, et sans aucun doute a-t-il
ses raisons pour cela ; si donc je me confiais à lui, il est trop
évident qu'il ne me dirait pas la vérité. Pour peu
que je distingue clairement la ligne à suivre, il me faudra taire
ce que je viens de découvrir, ne rien laisser soupçonner de
mes craintes... et garder les yeux ouverts. Je suis, je le sais, ou bien
comme un petit enfant, abusé par la peur, ou bien dans de beaux draps
; et s'il en est ainsi, j'ai besoin, et j'aurai besoin, dans les jours à
venir, de toute ma clairvoyance.
J'en étais arrivé à ce point de mes réflexions
quand j'entendis la grande porte d'en bas se refermer : le comte était
rentré. Il ne vint pas tout de suite dans la bibliothèque,
et moi, sur la pointe des pieds, je retournai dans ma chambre. Quelle ne
fut pas ma surprise de le trouver là, en train de faire mon lit !
Je fus grandement étonné, certes, mais cela eut aussi pour
effet de me confirmer ce que je pensais depuis le début : qu'il n'y
avait pas de domestiques dans la maison. Et quand, un peu plus tard, je
le vis par la fente de la porte mettre le couvert dans la salle à
manger, je n'en doutais plus ; car s'il se chargeait de ces tâches,
c'est qu'il n'y avait personne d'autre pour les remplir. Je frissonai horriblement
en songeant alors que, s'il y avait aucun domestique au château, c'était
le comte en personne qui conduisait la voiture qui m'y avait amené.
Si telle était la vérité, que signifie ce pouvoir qu'il
a de se faire obéir des loups, comme il l'a fait, en levant simplement
la main ? Pourquoi tous les habitants de Bistritz et tous mes compagnons
de diligence nourrissaient-ils de telles craintes pour moi ? Pourquoi m'avait-on
donné la petite croix, la gousse d'ail, la rose sauvage ? Bénie
soit la brave femme qui m'a mis ce crucifix au cou ! Car je me sens plus
fort et plus courageux chaque fois que je le touche. Je m'étonne
qu'un objet que l'on m'a depuis toujours appris à considérer
comme inutile et de pure superstition puisse m'être de quelque secours
dans la solitude et la détresse. Ce petit crucifix possède-t-il
une vertu intrinsèque, ou bien n'est-ce qu'un moyen pour raviver
de chers souvenirs ? Un jour, je l'espère, j'examinerai la question
et j'essaierai de me faire une opinion. En attendant, je dois chercher à
me renseigner autant que possible au sujet du comte Dracula ; cela m'aidera
peut-être à mieux comprendre ce qui se passe. Et peut-être
ce soir parlera-t-il spontanément , si un mot de ma part fait dévier
la conversation en ce sens. Toutefois, je le répète, il me
faudra être très prudent afin qu'il ne se doute pas de mes
appréhensions.
Minuit
J'ai eu un long entretien avec le comte. Je lui ai posé quelques
questions sur l'histoire de la Transylvanie, et il s'animait en me répondant.
Le sujet semblait lui plaire ! Tandis qu'il parlait des choses et des gens,
et surtout quand il parlait de batailles, on eût dit qu'il avait assisté
à toutes les scènes qu'il me décrivait. Cette attitude,
il me l'expliqua, en disant que, pour un boyard, la gloire de sa famille
et de son nom, c'est son orgueil personnel, que leur honneur est son honneur
et leur destin, son destin. Chaque fois qu'il parlait de sa famille, il
disait "nous", et, presque toujours, employait le pluriel, ainsi
que font les rois. Je voudrais pouvoir reproduire ici exactement tout ce
qu'il m'a raconté car, pour moi, ce fut proprement fascinant. Il
me semblait entendre toute l'histoire du pays. Il s'excitait de plus en
plus ; il marchait de long en large dans la pièce, tout en tirant
sur sa grande moustache blanche en saisissant n'importe quel objet sur lequel
il mettait la main comme s'il voulait l'écraser. Je vais essayer
de transcrire une partie de ce qu'il m'a dit, car on peut y retrouver d'une
certaine façon l'hostoire de sa lignée :
- Nous, les Szeklers, nous avons le droit d'être fiers, car dans nos
veines coule le sang de maints peuples braves et courageux qui se sont battus
comme des lions -pour s'assurer la suprématie. Dans ce pays où
tourbillonnent différentes races européennes, les guerriers
venus d'Islande ont apporté cet esprit belliqueux que leur avaient
insuflé Thor et Odin, et ils ont déployé une telle
furie sur tous les rivages de l'Europe- de l'Europe, certes, mais aussi
de l'Asie et de l'Afrique que les gens se croyaient envahis par des loups.
En arrivant ici même, ces guerriers redoutables rencontrèrent
les Huns qui avaient porté partout le fer et la flamme ; si bien
que leurs victimes agonisantes affirmaient que, dans les veines de leurs
bourreaux, coulait le sang des vieilles sorcières qui, expulsées
de Scythie, s'étaient dans le désert accouplées aux
démons. Les imbéciles ! Quelle sorcière, quel démon
fut jamais aussi puissant qu'Attila dont le sang coule dans nos veines ?
s'écria-t-il en relevant ses manches afin de montrer ses bras. Dès
lors, faut-il s'étonner que nous soyons une race conquérante
et fière, que lorsque les Magyars, les Lombards, les Avars ou les
Turcs tentèrent de passer nos frontières par milliers, nous
sûmes toujours les repousser ? Est-ce étonnant si, lorsque
Arpad et ses légions voulurent envahir la mère patrie, ils
nous ont trouvés sur la frontière ? Puis, quand les Hongrois
se portèrent vers l'est, les Magyars victorieux firent allianca avec
les Szeklers, et c'est à nous désormais que fut confiée
pendant des siècles la garde de la frontière turque : bien
plus, notre vigilance là-bas semblait ne devoir jamais prendre fin
car, selon l'expression des Turcs eux-mêmes, " l'eau dort, mais
l'ennemi veille". Qui donc, parmi les quatre Nations, rassembla plus
vite autour de l'étendard du roi quand retentit l'appel aux armes
? Et quand donc fut lavée la grande honte de mon pays, la honte de
Cassova, lorsque les drapeaux des Valaques et des Magyars se sont abaissés
sous le Croissant ? Et n'est-ce pas un des miens qui traversa le Danube
pour aller battre le Turc sur son propre sol ? Oui, c'est un Dracula ! Maudit
soit son frère indigne qui vendit ensuite le peuple aux Turcs et
qui fit peser sur tous la honte de l'esclavage ! N'est-ce pas ce même
Dracula qui légua son ardeur patriotique à l'un de ses descendants
qui, bien plus tard, traversa de nouveau le fleuve avec ses troupes pour
envahir la Turquie ! Et qui, ayant battu en retraite, revint plusieurs fois
à la charge, seul, et laissant derrière lui le champ de bataille
où gisaient ses soldats, parce qu'il savait que, finalement, à
lui seul, il triompherait ! On prétend qu'en agissant ainsi, il ne
pensait qu'à lui ! Mais à quoi serviraient des troupes si
elles n'avaient un chef ? Où aboutirait la guerre s'il n'y avait,
pour la conduire, un cerveau et un coeur ? De nouveau lorsque, après
la bataille de Mohacs, nous parvîmmes à rejeter le joug hongrois,
nous, les Dracula, nous fûmes une fois encore parmi les chefs qui
travaillèrent à cette victoire ! Ah ! jeune homme, les Szeklers
et les Dracula ont été leur sang, leur cerveau et leur épée
-les Szeklers peuvent se vanter d'avoir accompli ce que parvenus, les Habsbourg
et les Romanoff, ont été incapables de réaliser...
Mais le temps des guerres est passé. Le sang est considéré
comme chose trop précieuse, en notre époque de paix déshonorante
; et toute cette gloire de nos grands ancêtres n'est plus qu'un beau
comte.
Lorsqu'il se tut, le matin était proche, et nous nous séparâmes
pour aller nous coucher. (Ce journal ressemble terriblement aux Contes des
Mille et Une Nuits, car tout cesse au premier chant du coq, et sans doute
fait-il songer aussi à l'apparition, devant Hamlet, du fantôme
de son père).
12 mai
Qu'on me permette d'exposer des faits -dans toute leur nudité, leur
nudité, leur crudité, tels qu'on peut les vérifier
dans les livres et dont il est impossible de douter. Il me faut prendre
garde de ne pas les confondre avec ce que j'ai pu moi-même observer,
ou avec mes souvenirs. Hier soir, lorsque le comte a quitté sa chambre
pour venir me retrouver, tout de suite, il s'est mis à m'interroger
sur des questions de droits et sur la façon de traiter certaines
affaires. Justement, ne sachant que faire d'autre et pour m'occuper l'esprit,
j'avais passé la journée à consulter plusieurs livres,
à revoir divers points que j'avais étudiés à
Lincoln's Inn. Comme, dans les questions que me fit mon hôte, il y
avait un certain ordre, je vais essayer de respecter cet ordre en les rappelant
ici. Cela me sera peut-être utile un jour.
D'abord, il me demanda si, en Angleterre, on pouvait avoir deux solicitors
à la fois ou même plusieurs. Je lui répondis qu'on pouvait
en avoir une douzaine si on le désirait, mais qu'il était
cependant plus sage de n'en prendre qu'un pour une même affaire ;
qu'en ayant recours à plusieurs solicitors en même temps, le
client était certain d'agir contre ses propres intérêts.
Le comte sembla parfaitement comprendre cela, et il me demanda alors s'il
y aurait quelque difficulté d'ordre pratique à prendre, par
exemple, un solicitor pour veiller à des opérations financières
et un autre pour recevoir des marchandises expédiées par bateau
au cas où le premier solicitor habiterait loin de tout port. Je le
priai de s'expliquer plus clairement, afin que je ne risque pas de me méprendre
sur le sens de sa question. Il reprit :
- Eh bien ! supposons ceci. Notre ami commun, M. Peter Hawkins, à
l'ombre de votre belle cathédrale d'Exeter, laquelle se trouve assez
loin de Londres, achète pour moi et par votre intermédiaire,
une demeure dans cette dernière ville. Bon ! Maintenant, laissez-moi
vous dire franchement -car vous pourriez trouver bizarre que je me sois
adressé pour cette affaire à un homme qui réside aussi
loin de Londres, et non pas tout simplement à un Londonien- que je
tenais à ce qu'aucun intérêt particulier ne vienne contrecarrer
le mien propre. Or un solicitor Londonien aurait pu être tenté
dans pareille transaction, de chercher un profit personnel ou de favoriser
un ami ; c'est pourquoi j'ai préféré chercher ailleurs
un intermédiaire qui, je le répète, servirait au mieux
mes propres intérêts. Supposons à présent que
moi, qui fais beaucoup d'affaires, je veuille envoyer des marchandises,
mettons à Newcastle, ou à Durham, ou à Harwich, ou
à Douvres : n'aurais-je pas plus de facilité en m'adressant
à un homme d'affaires installé dans l'un ou l'autre de ces
ports ?
Je lui répondis que, certainement, ce serait plus facile, mais que
les solicitors avaient créé entre eux un système d'agences
permettant de régler toute affaire locale d'après les instructions
de n'importe quel solicitor ; le client peut ainsi confier ses intérêts
à un seul homme et ne plus s'occuper le rien.
- Mais, reprit-il, dans mon cas, pourrais-je moi-même diriger l'affaire
?
- Naturellement, fis-je ; cela se voit bien souvent lorsque l'intéressé
ne désire pas que d'autres personnes aient connaissance des transactions
en cours.
- Bon ! dit-il.
Puis il s'imforma de la façon dont il fallait s'y prendre pour faire
des expéditions, me demanda quelles étaient les formalités
exigées, et à quelles difficultés on risquait de se
buter si l'on n'avait pas songé auparavant à prendre certaines
précautions. Je lui donnai toutes les explications dont j'étais
capable, et je suis sûr qu'en me quittant, il dut avoir l'impression
d'être passé à côté de sa vocation -il
aurait rempli à la perfection la profession de solicitor car il n'y
avait rien à quoi il n'eût pensé, rien qu'il n'eût
prévu. Pour un homme qui n'était jamais allé en Angleterre
et qui, évidemment, n'avait pas une grande pratique des choses de
la loi, ses connaissances à ce sujet et aussi sa perspicacité
étaient étonnantes.-
Lorsqu'il eut tous les renseignements qu'il désirait et que, de mon
côté, j'eus vérifié certains points dans les
livres que j'avais sous la main, il se leva brusquement en me demandant
:
- Depuis votre première lettre, avez-vous de nouveau écrit
à notre ami M. Peter Hawkins ou à d'autres personnes ?
Ce ne fut pas sans quelque amertume que je luis répondis que non,
que je n'avais pas encore eu l'occasion d'envoyer aucune lettre à
mes amis.
- Alors, écrivez maintenant, dit-il, en appuyant sa lourde main sur
mon épaule : écrivez à M. Peter Hawkins et à
qui vous voulez ; et annoncez s'il vous plaît, que vous séjournerez
ici encore un mois à partir d'aujourd'hui.
- Vous désirez que je reste ici si longtemps ? Fis-je en frissonnant
à cette seule pensée.
- Exactement, je le désire, et je n'accepterai aucun refus. Quand
votre maître, votre patron... peu importe le nom que vous lui donnez...
s'engagea à m'envoyer quelqu'un en son nom, il a été
bien entendu que j'emploierais ses services comme bon me semblerait... Pas
de refus ! Vous êtes d'accord ?
Que pouvais-je faire, sinon m'incliner ? Il y allait de l'intérêt
de M. Hawkins, non du mien, et c'est à M. Hawkins que je devais penser,
non à moi. En outre, pendant que le comte Dracula parlait, un je
ne sais quoi dans son regard et dans tout son comportement me rappelait
que j'étais prisonnier chez lui et que, l'aurais-je voulu, je n'aurais
pu abréger mon séjour. Il comprit sa victoire à la
façon dont je m'inclinai et vit, au trouble qui parut sur mes traits,
que, décidement, il était le maître. Aussitôt,
il exploita cette double force en poursuivant avec cette douceur de ton
habituelle chez lui et à laquelle on ne pouvait résister :
- Je vous prie avant tout, mon cher et jeune ami, de ne parler dans vos
lettres que d'affaires. Sans doute vos amis aimeront-ils savoir que vous
êtes en bonne santé et que vous songez au jour où vous
serez de nouveau auprès d'eux. De cela aussi, vous pouvez leur dire
un mot.
Tout en parlant, il me tendit trois feuilles de papier et trois enveloppes.
C'était du papier très mince et, comme mon regard allait des
feuilles et des enveloppes au visage du comte qui souriait tranquillement,
ses longues dents pointues reposant sur la lèvre inférieure
très rouge, je compris, aussi clairement que s'il me l'avait dit,
que je devais prendre garde à ce que j'allais écrire car il
pourrait lire le tout. Aussi, décidai-je de n'écrire ce soir-là
que des lettres brèves et assez insignifiantes, me réservant
d'écrire plus longuement, par après et en secret, à
M. Hawkins ainsi qu'à Mina. A Mina, il est vrai, je pouvais écrire
en sténographie, ce qui, et c'est le moins qu'on puisse dire, embarrasserait
bien le comte s'il voyait cet étrange griffonnage. J'écrivis
donc deux lettres, puis je m'assis tranquillement pour lire, tandis que
le comte s'occupait également de correspondance, s'arrêtant
parfois d'écrire pour consulter certains livres qui se trouvaient
sur sa table. Son travail terminè, il prit mes deux lettres qu'il
joignit aux siennes, plaça le paquet près de l'encrier et
des plumes, et sortit. Dès que la porte se fut refermée derrière
lui, je me penchai pour regarder les lettres. Ce faisant, je n'éprouvais
aucun remords, car je savais qu'en de telles circonstances, je devais chercher
mon salut par n'importe quel moyen.
Une des lettres était adressée à Samuel F. Bellington,
no7, The Crescent, Whitby ; une autre à Herr Leutner, Varna ; troisième
à Coutts & Co., Londres, et la quatrième à Herren
Klopstock Billreuth, banquiers à Budapest. La deuxième et
la quatrième de ces lettres n'étaient pas fermées.
J'étais sur le point de les lire quand je vis tourner lentement la
clenche de la porte. Je me rassis, n'ayant eu que le temps de replacer les
lettres dans l'ordre où je les avais trouvées et de reprendre
mon livre avant que le comte, tenant une autre lettre en main, n'entrât
dans la pièce. Il prit une à une les lettres qu'il avait laissées
sur la table, les timbra avec soin, puis, se tournant vers moi, me dit :
- Vous voudrez bien m'excuser, je l'espère, mais j'ai beaucoup de
travail ce soir. Vous trouverez ici, n'est-ce pas, tout ce dont vous avez
besoin.
Arrivé à la porte, il se retourna, attendit un moment, et
reprit :
- Laissez-moi vous donner un conseil, mon cher jeune ami, ou plutôt
un avertissement : s'il vous arrivait jamais de quitter ces appartements,
nulle part ailleurs dans la château vous ne trouveriez le sommeil.
Car ce manoir est vieux, il est peuplé de souvenirs anciens, et les
cauchemars attendent ceux qui dorment là où cela ne leur est
pas permis. Soyez donc averti. Si, à n'importe quel moment, vous
avez sommeil, si vous sentez que vous allez vous endormir, alors regagnez
votre chambre au plus vite, ou l'une ou l'autre de ces pièces-ci,
et, de la sorte, vous pourrez dormir en toute sécurité. Mais
si vous n'y prenez garde...
Le ton sur lequel il avait prononcé ces dernières paroles
sans même achever sa phrase avait quelque chose de propre à
vous faire frémir d'horreur ; en même temps, il eut un geste
comme pour signifier qu'il s'en lavait les mains. Je compris parfaitement.
Un seul doute subsistait à présent pour moi : se pouvait-il
qu'un rêve -n'importe lequel- fût plus terrible que ce filet
aux mailles sombres et mystérieuses qui se refermait sur moi ?
Un peu plus tard
Je relis les derniers mots que j'ai écrits, je les approuve, et pourtant
aucun doute ne me fait plus hésiter. Nulle part, je ne craindrai
de m'endormir, purvu que le comte n'y soit pas. j'ai accroché la
petite croix au-dessus de mon lit ; je suppose que, ainsi, mon repos sera
calme sans cauchemars. Et la petite croix restera là.
Quand le comte m'eut quitté, de mon côté, je me retirai
dans ma chambre. Quelques moments se passèrent, puis, comme je n'entendais
pas le moindre bruit, je sortis dans le couloir et montai l'escalier de
pierre jusqu'à l'endroit d'où j'avais vue le sud. Encore que
cette vaste étendue me fût inaccessible, comparée à
l'étroite cour obscure du château, j'avais en la regardant
comme un sentiment de libertè. Au contraire, quand mes regards plongeaient
dans la cour, j'avais véritablement l'impression d'être prisonnier,
et je ne désirais rien tant que de respirer une bouffée d'air
frais, même si c'était l'air nocturne. Et veiller une partie
de la nuit, comme je suis obligé de le faire ici, me met à
bout. Je sursaute rien qu'a voir mon ombre, et toutes sortes d'idées,
plus horribles les unes que les autres, me passent par la tête. Dieu
sait, il est vrai, que mes craintes sont fondées ! Je contemplai
donc le paysage magnifique qui s'étendait, sous le clair de lune,
presque aussi distinct que pendant la journée. Sous cette douce lumière,
les collines les plus lointaines se confondaient pourtant, et les ombres,
dans les vallées et dans les gorges, étaient d'un noir velouté.
Cette simple beauté me calmait ; chaque souffle d'air apportait avec
lui paix et réconfort. Comme je me penchais à la fenêtre,
mon attention fut attirée par quelque chose qui bougeait à
l'étage en dessous, un peu à ma gauche ; par ce que je savais
de la disposition des chambres, il me sembla que les appartements du comte
pouvaient se trouver précisément à cet endroit. La
fenêtre à laquells je me penchais était haute, d'embrasure
profonde, avec des meneaux de pierre ; quoique abîmée par les
ans et les intempéries, rien d'essentiel n'y manquait. Je me redressai
afin de ne pas être vu, mais je continuai à faire le guet.
La tête du comte passa par la fenêtre de l'étage en dessous
; sans voir son visage, je reconnus l'homme à son cou, à son
dos, et aux gestes de ses bras. D'ailleurs, ne fût-ce qu'à
cause de ses mains que j'avais eu tant d'occasions d'examiner, je ne pouvais
pas me tromper. Tout d'abord, je fus intéressé et quelque
peu amusé, puisqu'il ne faut vraiment rien pour intéresser
et amuser un homme quand il est prisonnier. Ces sentiments pourtant firent
bientôt place à la répulsion et à la frayeur
quand je vis le comte sortir lentement par la fenêtre et se mettre
à ramper, la tête la première, contre le mur du château.
Il s'accrochait ainsi au-dessus de cet abîme vertigineux, et son manteau
s'étalait de part et d'autre de son corps comme deux grandes ailes.
Je ne pouvais en croire mes yeux. Je pensais que c'était un effet
du clair de lune, un jeu d'ombres ; mais, en regardant toujours plus attentivement,
je compris que je ne me trompais pas. Je voyais parfaitement les doigts
et les oreilles qui s'agrippaient aux rebords de chaque pierre dont les
années avaient enlevé le mortier, et, utilisant ainsi chaque
aspérité, il descendit rapidement, exactement comme un lézard
se déplace le long d'un mur.
Quel homme est-ce, ou plutôt quel genre de créature sous l'apparence
d'un homme ? Plus que jamais, je sens l'horreur de ce lieu ; j'ai peur...
J'ai terriblement peur... Et il m'est impossible de m'enfuir.
15 mai
J'ai encore vu le comte qui sortait en rampant à la manière
d'un lézard. Il descendait le long du mur, légèrement
de biais. Il a certainement parcouru cent pieds en se dirigeant vers la
gauche. Puis il a disparu dans un trou ou par une fenêtre. Quand sa
tête ne fut plus visible, je me suis penché pour essayer de
mieux comprendre ce que tout cela signifait, mais sans y parvenir, cette
fenêtre ou ce trou étant trop éloignés de moi.
Cependant, j'étais certain qu'il avait quitté le château,
et j'en profitai pour explorer celui-ci comme je n'avais pas encore osé
le faire. Reculant de quelques pas, je me retrouvai au milieu de la chambre,
pris une lampe, et essayai d'ouvir toutes les portes l'une après
l'autre ; toutes étaient fermées à clef, ainsi que
je l'avais prévu, et les serrures, je m'en rendis compte, étaient
assez neuves. Je redescendis l'escalier et pris le corridor par la porte
duquel j'étais entré dans la maison, la nuit de mon arrivée.
Je m'aperçus que je pouvais facilement ouvrir les verrous de la porte
et en ôter les chaînes ; mais la porte elle-même était
fermée à clef, et on avait enlevé la clef. Elle devait
être dans la chambre du comte : il me faudrait donc saisir l'instant
où la porte de sa chambre ne serait pas fermée afin de pouvoir
y pénétrer, m'emparer de la clef et m'évader.
Je continuais à examiner en détail tous les couloirs et les
différents escaliers, et à tenter d'ouvrir les portes que
je rencontrais au passage. Celles d'une ou deux petites pièces donnant
sur le corridor étaient ouvertes, mais il n'y avait rien là
de bien intéressant, quelques vieux meubles couverts de poussière,
quelques fauteils aux étoffes mangées par des mites. A la
fin pourtant, j'arrivai, en au haut de l'escalier, devant une porte qui,
bien qu'elle semblât fermée à clef, céda un peu
quand j'y appuyai la main. En appuyant davantage, je m'aperçus que,
de fait, elle n'était pas fermée à clef mais qu'elle
résistait simplement parce que les gonds en étaient légèrement
descendus et que, par conséquent, elle reposait à même
le plancher. C'étais là une occasion qui, peut-être,
ne se représenterait plus, aussi devais-je essayer d'en profiter.
Après quelques efforts, j'ouvris la porte. J'étais dans une
aile du château qui se trouvait plus à droite que les appartements
que je connaissais déjà, et à un étage plus
bas. En regardant par les fenêtres, je vis que ces appartements-ci
s'étendaient le long du côté sud du château, les
fenêtres de la dernière pièce donnant à la fois
sur le sud et sur l'ouest. De part et d'autre, se creusait un grand précipice.
Le château était bâti sur le coin d'un immense rocher,
de sorte que sur trois côtés, il était inexpugnable
; aussi bien les hautes fenêtres pratiquées dans ces murs -mais
qu'il eût été impossible d'atteindre par aucun moyen,
ni fronde, ni arc, ni arme à feu- ces fenêtres rendaient claire
et agréable cette partie du château. Vers l'est, on voyait
une vallée profonde et, s'élevant dans le lointain, de hautes
montagnes, peut-être des repaires de brigands, et des pics abrupts-.
Nul doute que ces appartements étaient jadis habités par les
dames, car tous les meubles paraissaient plus confortables que ceux que
j'avais vus jusqu'ici, dans les autres pièces. Il n'y avait pas de
rideaux aux fenêtres, et le clair de lune, entrant par les vitres
en forme de losange, permettait de distinguer les couleurs elles-mêmes
tandis qu'il adoucissait en quelque sorte l'abondance de poussière
qui recouvrait tout et atténuait un peu les ravages du temps et des
mites. Ma lampe était sans doute assez inutile par ce brillant clair
de lune ; pourtant, j'étais bien aise de l'avoir prise, car je me
trouvais tout de même dans une solitude telle qu'elle me glaçait
le coeur et me faisait réellement trembler. Toutefois, cela valait
mieux que d'être seul dans une des pièces que la prèsence
du comte m'avait rendues odieuses. Aussi, après un petit effort de
volonté, je sentis le calme revenir en moi... J'étais là,
assis à une petite table de chêne où sans doute autrefois
une belle dame s'était installée, rêvant et rougissant
en même temps, pour écrire une lettre d'amour assez maladroite.
J'étais là, consignant dans mon journal, en caractères
sténographiques, tout ce qui m'était arrivé depuis
que je l'avais fermé la dernière fois. C'est bien là
le progrès du XIXè siècle ! Et pourtant, à moins
que je ne m'abuse, les siècles passés avaient, et ont encore,
des pouvoirs qui leur sont propres et que le "modernisme" ne peut
pas tuer.
16 mai, au matin
Dieu veuille que je garde mon équilibre mental, car c'est tout ce
qu'il me reste. La sécurité, ou l'assurance de sécurité,
sont choses qui pour moi appartiennent au passé. Pendant les semaines
que j'ai encore à vivre ici, je ne puis espérer qu'une chose,
c'est de ne pas devinir fou, pour autant que je ne le sois pas déjà.
Et si je suis sain d'esprit, il est assurément affolant de penser
que, de toutes les menaces dont je suis entouré ici, la présence
du comte est la moindre ! De lui seul, je puis attendre mon salut, quand
bien même ce serait en servant ses desseins. Grand Dieu ! Dieu miséricordieux
! Faites que je reste calme, car si mon calme m'abandonne, il cédera
la place à la folie ! Certaines choses s'éclairent qui, jusqu'ici,
sont restées pour moi assez confuses. Par exemple, je n'avais jamais
très bien saisi ce que Shakespeare voulait dire quand il faisait
dire à Hamlet :
Mes tablettes ! Mes tablettes !
C'est l'instant d'y écrire, etc.
Maintenant que j'ai l'impression que mon cerveau est comme sorti de ses
gonds ou qu'il a reçu un choc fatal, moi aussi je m'en remets à
mon journal : il me servira de guide. Le fait d'y inscrire en détail
tout ce que je découvre sera pour moi un apaisement.
Le mystérieux avertissement du comte m'avait effrayé au moment
même ; il m'effraie plus encore maintenant que j'y pense, car je sais
que cet homme gardera sur moi un terrible ascendant. Il me faudra craindre
de ne pas assez prendre au sérieux la moindre de ses paroles !
Quand j'eus écrit ces lignes de mon journal et remis feuillets et
plume dans ma poche, j'eus envie de dormir. Je n'avais nullement oublié
l'avertissement du comte, mais je pris plaisir à désobéir.
Le clair de lune me semblait doux, bienfaisant, et le vaste paysage que
j'apercevais au-dehors me réconfortait, je l'ai dit, et me donnait
un sentiment de liberté. Je décidai de ne pas retourner dans
ma chambre ou dans les pièces attenantes que j'étais décidé
à fuir parce que je ne les connaissais que trop bien, et de dormir
ici où l'on devinait encore la présence des dames du temps
jadis, où elles avaient chanté peut-être, et sûrement
passé doucement leur vie monotone, mais le coeur parfois gonflé
de tristesse lorsque leurs compagnons menaient au loin des guerres sans
merci. J'approchai une chaise longue de la fenêtre afin que, étendu,
je puisse encore voir le paysage, et, ignorant la poussière qui la
recouvrait, je m'y installai pour dormir. Sans doute me suis-je, en effet,
endormi ; je l'espère, encore que je craigne que non, car tout ce
qui suivit me parut tellement réel : si réel que, maintenant,
au grand jour, dans ma chambre éclairée par le soleil matinal,
je n'arrive pas à croire que j'ai pu rêver.
Je n'étais pas seul. Rien dans la chambre n'avait changé depuis
que j'y étais entré. Je voyais sur le plancher éclairé
par la lune les traces de mes propres pas dans la poussière. Mais
en face de moi se tenaient trois jeunes femmes, des dames de qualité
à en juger par leurs toilettes et leurs manières. A l'instant
où je les aperçus, je crus que je rêvais car, bien que
le clair de lune entrât par une fenêtre placée derrière
elles, elles ne projetaient aucune ombre sur le plancher. Elles s'avancèrent
vers moi, me dévisagèrent un moment, puis se parlèrent
à l'oreille. Deux d'entre elles avaient les cheveux bruns, le nez
alquilin, comme le comte, et de grands yeux noirs, perçants, qui,
dans la pâle clarté de la lune, donnaient presque la sensation
du feu. La troisième était extraordinairement belle, avec
une longue chevelure d'or ondulée et des yeux qui ressemblaient à
de pâles saphirs. Il me semblait connaître ce visage, et ce
souvenir était lié à celui d'un cauchemar, encore qu'il
me fût impossible de me rappeler au moment même où et
dans quelles circonstances je l'avais vu. Toutes les trois avaient les dents
d'une blancheur éclatante, et qui brillaient comme des perles entre
leurs lèvres rouges et sensuels. Quelque chose en elles me mettait
mal à l'aise, j'éprouvais à la fois désir et
épouvantes. Oui, je brûlais de sentir sur les miennes les baisers
de ces lèvres rouges. Peut-être voudrait-il mieux ne pas écrire
ces mots ; car cela pourrait faire de la peine à Mina si elle lit
jamais mon journal ; et pourtant, c'est la vérité. Les trois
jeunes femmes bavardaient entre elles, puis elles riaient, d'un rire musical,
argentin, qui pourtant avait un je ne sais quoi de dur, un son qui semblait
ne pas pouvoir sortir de lèvres humaines. C'était comme le
tintement, doux mais intolérable, de verres sous le jeu d'une main
adroite. La blonde hocha la tête d'un air provocant tandis que les
autres la poussaient.
- Allez-y ! dit l'une d'elles. Ce sera vous la première ; nous vous
suivrons.
- Il est jeune et fort, ajouta l'autre, à toutes trois il nous donnera
un baiser.
Sans bouger, je regardais la scène à travers mes paupières
à demi fermées, en proie à une impatience, à
un supplice exquis.
La blonde s'approcha, se pencha sur moi au point que je sentis sa respiration.
l'haleine, en un sens, étais douce, douce comme du miel, et produisait
sur les nerfs la même sensation que sa voix, mais quelque chose d'amer
se mêlait à cette douceur, quelque chose d'amer comme il s'en
dégage de l'odeur du sang.
Je n'osais par relever les paupières, mais je continuais néanmoins
à regarder à travers mes cils, et je voyais parfaitement la
jeune femme, maintenant agenouillée, de plus en plus penchée
sur moi, l'air ravi, comblè. Sur ses traits était peinte une
volupté à la fois émouvante et repoussante et, tandis
qu'elle courbait le cou, elle se pourléchait réellement les
babines comme un animal, à tel point que je pus voir à la
clarté de la lune la salive scintiller sur les lèvres couleur
de rubis et sur la langue rouge qui se promenait sur les dents blanches
et pointues. Sa tête descendait de plus en plus, ses lèvres
furent au niveau de ma bouche, puis de mon menton, et j'eus l'impression
qu'elles allaient se refermer sur ma gorge. Mais non, elle s'arrêta
et j'entendis un bruit, un peu semblable à un clapotis, que faisait
sa langue en léchant encore ses dents et ses lèvres tandis
que je sentais le souffle chaud passer sur mon cou. Alors la peau de ma
gorge réagit comme si une main approchait de plus en plus pour chatouiller,
et ce que je sentis, ce fut la caresse tremblante des lèvres sur
ma gorge et la légère morsure de deux dents pointues. La sensation
se prolongeant, je fermai les yeux dans une extase langoureuse. Puis j'attendis
: j'attendis, le coeur battant.
Mais, au même instant, j'éprouvai une autre sensation. Rapide
comme l'éclair, le comte était là, comme surgi d'une
tourmente. En effet, en ouvrant malgré moi les yeux, je vis sa main
de fer saisir le cou délicat de la jeune femme et la repousser avec
une force herculéenne ; cependant les yeux bleus de la femme brillaient
de colère, ses dents blanches grinçaient de fureur et les
jolies joues s'empourpraient d'indignation. Quant au comte ! Jamais je n'aurais
imaginé qu'on pût se laisser emporter par une telle fureur.
Ses yeux jetaient réellement des flammes, comme si elles provenaient
de l'enfer même ; son visage était d'une pâleur de cadavre
et ses traits durs étaient singulièrement tirés ; les
sourcils épais qui se rejoignaient au-dessus du nez ressemblaient
à une barre mouvante de métal chauffé à blanc.
D'un geste brusque du bras, il envoya la jeune femme presque à l'autre
bout de la pièce, et il se contenta de faire un signe aux deux autres
qui, aussitôt, reculèrent. C'était le geste que je l'avais
vu faire devant les loups. D'une voix si basse qu'elle était presque
un murmure mais qui pourtant donnait véritablement l'impression de
couper l'air pour résonner ensuite dans toute la chambre, il leur
dit :
- Comment l'une d'entre vous a-t-elle osé le toucher ? Comment osez-vous
poser les yeux sur lui alors que je vous l'ai défendu ? Allez-vous
en, vous dis-je ! Cet homme est en mon pouvoir ! Prenez garde d'intervenir,
ou vous aurez affaire à moi.
La jeune femme blonde, avec un sourire provocant, se retourna pour lui répondre
:
- Mais vous-même n'avez vous jamais aimé ! Vous n'aimez plus
!
Les deux autres se joignirent à elles, et des rires si joyeux, mais
si durs, si impitoyables retentirent dans la chambre que je faillis m'évanouir.
Au vrai, ils retentissaient comme des rires de démons.
Le comte, après m'avoir dévisagé attentivement, se
détourna et répliqua, à nouveau dans un murmure :
- Si, moi aussi, je peux aimer. Vous le savez d'ailleurs parfaitement. Rappelez-vous
! Maintenant je vous promets que lorsque j'en aurai fini avec lui, vous
pourrez l'embrasser autant qu'il vous plaira ! Laissez-nous. Il me faut
à présent l'éveiller, car le travail attend.
- N'aurons-nous donc rien cette nuit ? demanda l'une d'elles en riant légèrement
tandis que du doigt elle désignait le sac que le comte avait jeté
sur le plancher et qui remuait comme s'il renfermait un être vivant.
Pour toute réponse, il secoua la tête. Une des jeunes femmes
bondit en avant et ouvrit le sac. Je crus entendre un faible gémissement,
comme celui d'un enfant à demi étouffé. Les femmes
entourèrent le sac tandis que je demeurais pétrifié
d'horreur. Mais alors que je tenais encore mes regards fixés sur
le plancher, elles disparurent, et le sac disparut avec elles. Aucune porte
ne se trouvait à proximité, et si elles étaient passées
devant moi, je l'aurais remarqué. Elles avaient dû s'évanouir
tout simplement dans les rayons de la lune et passer par la fenêtre
car, l'espace d'un moment, j'aperçus au-dehors leurs silhouettes
à peine distinctes. Puis, elles disparurent tout à fait.
Alors, vaincu par l'horreur, je sombrai dans l'inconscience.
