XI
JOURNAL DU Dr SEWARD
18 septembre
J'arrivai de bonne heure à Hillingham. Laissant la voiture à
la grille de l'allée, je marchai jusqu'à la maison. Je sonnai
très doucement, afin de n'éveiller ni Lucy ni Mrs Westenra,
si elles dormaient encore. J'espérais que seule une servante m'entendrait.
Un moment se passa et, comme personne ne venait m'ouvrir, je sonnai de nouveau,
puis frappai assez fort. Toujours pas de réponse. J'en voulus aux
domestiques qui restaient au lit si tard - il était maintenant près
de dix heures - de sorte que je sonnai et frappai encore à plusieurs
reprises avec plus d'impatience mais toujours en vain. Jusqu'ici, j'avais
rendu les servantes seules responsables de ce silence mais, maintenant,
j'étais pris d'une terrible apréhension. Ce silence même,
n'étais-ce pas une nouvelle manifestation de cette malédiction
qui semblait s'acharner contre nous ? Voulais-je réellement pénétrer
dans une maison où la mort était entrée avant moi ?
Je savais que chaque minute, chaque seconde qui s'écoulait pouvait
être la cause de longues heures très dangereuses pour Lucy
si son état s'était une fois de plus aggravé ; aussi
contournai-je la maison, espérant trouver une entrée que je
ne connaissais pas encore.
Toutes les portes étaient fermées à clef, toutes les
fenêtres parfaitement closes, de sorte qu'il me fallut bien revenir
sur mes pas. Au moment où j'arrivais devant la porte principale,
j'entendis le trot rapide d'un cheval ; la voiture, je m'en rendis compte,
s'arrêta devant la grille ; et, quelques secondes plus tard, je vis
Van Helsing qui remontait l'allée en courant. Quant il m'apperçut,
bien que tout essoufflé, il parvint à me dire :
- Ah ! C'est vous ? Vous venez donc d'arriver ? Comment va-t-elle ? Est-il
encore temps ? N'avez-vous pas reçu mon télégramme
?
Je lui répondis d'une façon aussi cohérente que je
pus, que j'avais seulement reçu son télégramme aux
premières heures de la matinée et que j'étais aussitôt
venu ici. Mais j'avais beau sonner, j'avais beau frapper, personne ne me
répondait.
Il resta un moment silencieux, puis se découvrant, il reprit sur
un ton grave :
- Je suppose donc que nous arrivons trop tard. Que la volonté de
Dieu soit faite !
(Site en construction la suite prochainement)