LES FLEURS DU MAL

 
 
Les Métamorphoses du vampire
 
(extrait)

 
 
 

Avant Propos :

En 1857, lorsqu'il parvint à publier "Les fleurs du Mal",Charles Baudelaire dut en retirer les Métamorphoses du vampire, jugéesimmorales et obscènes par la censure :
 
 
 
La femme cependant, de sa bouche de
      fraise,
En se tordant ainsi qu'un serpent sur la
      braise,
Et pétrissant ses seins sur le fer de son
      buse,
Laissait couler ces mots tout imprégnés
      muse :
- "Moi, j'ai la lèvre humide, et je sais la
      science
De perdre au fond d'un lit l'antique
      concscience.
Je sèche tous les pleurs sur mes seins
      triomphants,
Et faire rire les vieux du rire des enfants.
Je remplace, pour qui me voit nue et
      sans voiles,
La lune, le soleil, le ciel et les étoiles !
Je suis, mon cher savant, si docte aux
      voluptés,
Lorsque j'étouffe un homme en mes bras
      redoutés,
Ou lorsque j'abandonne aux morsures
      mon buste,
Timide et libertine et fragile et robuste,
Que sur ces matelas qui se pâment
      d'émoi,
Les anges impuissants se damneraient
      pour moi !"

 

 
Quand elle eut de mes os sucé toute la
      moelle,
et que languissamment je me tournai
      vers elle
Pour lui rendre un baiser d'amour, je ne
      vis plus
Qu'une outre aux flancs gluants, toute
      pleine de pus !
Je fermai les deux yeux, dans ma froide
      épouvante
Et quand je les rouvris à la clarté vivante,
A mes côtés, au lieu du mannequin
      puissant
Qui semblait avoir fait provision de sang,
Tremblaient confusément des débris de
      squelette,
Qui d'eux-mêmes rendaient le cri d'une
      girouette
Ou d'une enseigne, au bout d'une tringle
      de fer,
Que balance le vent pendant la nuits
      d'hiver.
 
 
Charles Baudelaire,
pièces condamnées des Fleurs du Mal.